Le véritable esprit de révolte consiste à exiger le bonheur, ici, dans la vie ! (H.Ibsen)
22 Octobre 2012
Nous attendions beaucoup de ce premier projet de loi de Financement de la Sécurité sociale de la législature. Or, force est de constater que ce dernier ne répond pas à nos attentes.
Ce projet de loi est contraint par les orientations arrêtées par le Gouvernement en matière de finances publiques. Il s’inscrit dans la stratégie gouvernementale visant à limiter les déficits publics et sociaux à 3% du PIB dès 2013, dans la perspective d’un équilibre budgétaire à l’horizon 2017. C’est la fameuse « règle d’or » prévue par le projet de traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union Européenne, traité auquel la CGT est opposée à l’instar de la Confédération européenne des syndicats et qu’elle demande au Parlement de ne pas ratifier.
Cette priorité quasi-unique à l’équilibre budgétaire nous paraît une orientation dangereuse, alors que les perspectives de croissance en France sont extrêmement faibles (0,8% en 2013 dans votre projet de loi, ce qui est beaucoup plus que le consensus des économistes), et alors que la zone euro dans son ensemble est proche de la récession. Le risque est grand que les mesures prises conduisent à encore réduire la croissance sans que cela permette pour autant de réduire le déficit comme on l’a vu dans d’autres pays de l’Union Européenne.
Le dernier rapport de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, présenté le 1eroctobre dernier, confirme que la crise du financement de la Sécurité sociale ne tient pas à une croissance trop importante des dépenses, puisque les charges du régime général croissent de moins de 3% par an depuis 2010, et que les dépenses dans le champ de l’ONDAM augmentent à un rythme voisin de 2,6% depuis 2010.
Elle s’explique fondamentalement par la faiblesse de la croissance économique, laquelle renvoie avant tout au niveau très élevé du chômage qui risque d’atteindre 11% en 2013. C’est notre mode de développement économique dans son ensemble, fondé sur la priorité aux actionnaires et la soumission aux exigences des marchés financiers et des agences de notation, qui doit être questionné.
Ce constat rend effectivement urgente une réforme du financement de la Sécurité sociale, de manière à ce que celui-ci soit plus au service du développement de l’emploi, réforme que la CGT revendique depuis de nombreuses années.
Le lancement d’une réflexion sur les finances sociales, dans le cadre du Haut Conseil du financement de la protection sociale installé la semaine dernière, est de ce point de vue une bonne chose, même si nous avons des réserves sur la méthode employée.
Nous souhaitons réaffirmer que le financement de la Sécurité sociale doit rester ancré dans la création de richesses dans le cadre de l’entreprise, et donc continuer à reposer sur le travail, au sens des richesses créées par le travail. Mais ses modalités doivent être profondément transformées pour mettre le développement de l’emploi stable et qualifié au centre du développement économique.
A l’approche gouvernementale centrée sur la compétitivité et le coût du travail, nous préférons une approche centrée sur le développement de l’emploi stable et qualifié et sur une approche de la croissance économique centrée sur le « développement humain durable ».
Une approche globale du financement de la Sécurité sociale est indispensable. Ainsi, si nous notons avec satisfaction que pour la première fois depuis de nombreuses années le montant des recettes nouvelles excède les mesures tendant à diminuer les dépenses, nous sommes particulièrement insatisfaits du projet de création d’une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie.
Pour nous, une politique ambitieuse en matière de prise en charge de la perte d’autonomie est indispensable, et nous souhaitons que des orientations soient prises le plus rapidement possible sur ce dossier.
Nous rappelons que la perte d’autonomie doit relever selon nous de la Sécurité sociale, et que par conséquent son financement doit être conçu dans le cadre global du financement de celle-ci.
La mesure proposée est extrêmement critiquable à plusieurs points de vue :
elle conduira à une baisse de pouvoir d’achat pour les retraités concernés, puisque les pensions de retraite sont indexées sur les prix ;
elle relève plus du bricolage budgétaire que d’une orientation de fond, puisque cette mesure, censée financer la perte d’autonomie sera affectée en 2013 au FSV et non à la perte d’autonomie, alors même que le FSV, dont il est par ailleurs indispensable de mettre fin à la situation déficitaire, a d’abord besoin de ressources pérennes et stables.
S’agissant de l’assurance maladie,
Ce projet de PLFSS pour 2013 est décevant au regard de l’urgence de rétablir une égalité d’accès aux soins après le désengagement constant de l’assurance maladie subie ces dernières années.
« Le changement, c’est maintenant »permettait de laisser espérer que des avancées emblématiques sur la SANTE se concrétiseraient. Nos propositions et revendications présentées régulièrement dans ce conseil attendent des réponses.
Nous réclamons une évaluation des effets pervers des derniers PLFSS au travers de la remise en cause de l’accès aux soins et des inégalités entre les assurés : tels que les franchises médicales et forfaits médicaux, les déremboursements de médicaments, la création de nouveaux taux de remboursements, les nouveaux modes de calcul des indemnités journalières, la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, etc…
L’existence de 350 millions de sous exécution en 2012 aurait dû permettre un début de réponse et donner un signal fort.
l’objectif d’un ONDAM à 2,7% nous paraît totalement insuffisant pour faire face aux défis auxquels est confronté notre système de santé.
C’est notamment le cas de l’hôpital public. L’ONDAM hospitalier prévu à 2.6% pour 2013 conduira mécaniquement à la suppression d’environ 15 000 emplois. Le simple maintien des emplois nécessite de manière mécanique une augmentation d’au moins 3,2%. Tout cela dans un contexte où les retards accumulés ces dernières années, nécessiterait selon nos chiffrages une augmentation de 8 % pour retrouver les moyens supprimés dans les années Sarkozy. Un nombre important d’hôpitaux est en déficit, un quart est en situation de déficit structurel.
Face à la situation de surendettement des hôpitaux publics, nous revendiquons la mise en place de structures financières publiques permettant d’une part aux hôpitaux de se débarrasser de leurs emprunts toxiques et de les transformer en emprunts à taux bonifiés, d’autre part d’obtenir des lignes de trésorerie au taux de la BCE (plus les frais de gestion).
Au-delà, il y urgence à engager une réforme globale de notre système de santé dans son ensemble. La CGT est porteuse de propositions d’alternatives, que vous connaissez.
Nous notons plusieurs avancées :
la fin de la convergence tarifaire entre établissements hospitaliers publics et privés.
la création de 200 postes de praticiens locaux dans les zones fragiles, qui doit être un premier pas d’une action résolue en direction des déserts médicaux ;
la généralisation d’une rémunération au forfait pour les équipes de soins de proximité, même si nous attendons de connaître le détail du dispositif.
Nous estimons qu’il faut aller plus loin :
En engageant une réforme de l’organisation territoriale du système de santé, ce qui implique une évolution importante des ARS, avec en particulier un mode de gouvernance plus démocratique.
Accélérer la sortie du « tout paiement à l’acte », ce qui nécessite pour l’hôpital la remise en cause de la T2A.
de traiter sur le fond la question des dépassements d’honoraires.
Les rémunérations et les avantages accordés aux professionnels de santé solvabilisés par notre Sécurité sociale doivent être réexaminés, comme le préconise la Cour des Comptes, pour en évaluer leurs pertinences.
Le développement des médicaments génériques tant que ceux-ci ne seront pas strictement la copie conforme aussi bien en molécule qu’en excipients mais aussi en présentation et conditionnement par rapport aux médicaments princeps ne gagnera pas la confiance des malades.
Si, le remboursement des IVG à 100% représente une avancée, nous exigeons une réelle politique d’accès à la contraception et d’accompagnement des femmes.
S’agissant enfin du dossier fondamental de la perte d’autonomie, il s’agit pour nous d’un dossier prioritaire. Nous souhaitons qu’une réforme ambitieuse soit engagée dès 2013.
Nous prenons acte avec satisfaction de l’abondement à hauteur de 360 M€ de l’ONDAM médico-social au titre de la perte d’autonomie.
L’absence de référence à la gestion des organismes de Sécurité sociale dans ce PLFSS est un très mauvais signal envoyé aux salariés. Elle sous-tend que le nouveau gouvernement n’entend pas revoir la référence à la RGPP inscrit dans les COG sur les réductions des frais de gestion et d’effectifs. La poursuite de cette politique plonge nos différents organismes dans les plus grandes difficultés pour rendre un véritable service public de qualité.
Pour rappel, sur le seul régime général de 2003 à 2011 : 21 878 emplois ont été supprimés soit 12% des effectifs, dans le même temps les charges de travail ont fortement augmenté. Ces chiffres expliquent la situation extrêmement tendue que vivent les salariés pour porter l’attention nécessaire aux assurés sociaux.
Pour que la Sécurité sociale puisse remplir ses missions de services publics, elle doit disposer de moyens suffisants, notamment en personnels. Cela implique la rupture avec l’application de la RGPP à la Sécurité sociale, et des recrutements à hauteur des besoins. A ce propos, nous sommes totalement opposés aux nouvelles restrictions demandées par la Direction de la Sécurité sociale à l’UCANSS, comme dans la plupart des branches.
Nombre de personnes dans ce pays sont exclus de fait du droit à la santé de part les inégalités territoriales d’accès aux soins, la méconnaissance de leurs droits, les charges financières excessives des dépassements d’honoraires et des restes à charge.
Ce PLFSS n’est pas au rendez-vous des attendes de la population sur cette question classée pourtant comme leur 3ème priorité derrière l’emploi et les salaires.
S’agissant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, le déficit de cumulé de la branche de 1,7 Mds€ doit impérativement être apuré. Cela doit se faire par un plan pluriannuel de relèvement des cotisations, ces dernières devant être fixées à un niveau suffisant pour permettre le financement d’actions de prévention. En revanche, nous sommes totalement opposés à une reprise de cette dette par la CADES, ce qui aboutirait à exonérer les employeurs de leurs obligation ne matière de financement de la branche.
En matière de retraites, nous prenons note avec satisfaction de la possibilité pour les salariés victimes de l’amiante de prendre leur retraite à 60 ans quel que soit leur régime au moment de la liquidation de leur retraite. C’était une revendication de la CGT.
Nous pensons que plusieurs autres mesures d’urgence doivent être prises, sans attendre le rendez-vous 2013.
En particulier :
la reconnaissance de tous les trimestres d’apprentissage ;
le rétablissement de l’allocation équivalent retraite pour les chômeurs en fin de droits qui n’ont pas encore atteint 60 ans ;
l’application de la prise en compte des indemnités journalières de maternité aux départs en retraite dès 2013.
Nous souhaitons également alerter sur la situation financière de la CNRACL. L’augmentation du taux de cotisation employeurs est nécessaire, mais nous rappelons que cette situation dégradée est en grande partie la conséquence des ponctions successives réalisées au titre de la surcompensation. Cette augmentation pèsera en outre fortement sur les comptes des collectivités locales au moment où elles se voient soumises à la « règle d’or » ; elle aura aussi de lourdes conséquences sur les hôpitaux publics, dont une grande partie sont dans une situation financière extrêmement difficile.
En matière de famille, les règles actuelles d’indexation de la BMAF doivent être revues. Nous souhaitons également la création de nouvelles prestations en direction des familles monoparentales et des étudiants, et la suppression des conditions de ressources pour la prime à la naissance et l’allocation de base de la PAJE.
Pour toutes ces raisons, la CGT exprimera un avis défavorable à ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013, avec l’espoir que le gouvernement modifiera ce projet en prenant en compte nos revendications afin d’améliorer la réponse aux besoins de santé et de réduire les inégalités d’accès aux soins.