Le véritable esprit de révolte consiste à exiger le bonheur, ici, dans la vie ! (H.Ibsen)
24 Septembre 2011
Etat de la situation
Un certain nombre de retraité(e)s partis en retraite depuis plusieurs années au titre des carrières longues, ont vu le versement de leur pension suspendu, avec demande de restitution des pensions touchées depuis leur départ et annonce de révision –à la baisse– de leur pension de retraite.
Ces retraités ont « racheté » ou « régularisé » un certain nombre de trimestres de travail de début de carrière, souvent des travaux d’été, afin de totaliser le nombre de trimestres nécessaires pour un départ anticipé. La preuve de ces travaux et des salaires correspondants étant parfois difficile a apporté plusieurs dizaines d’années après, ils ont utilisé la production, parfaitement légale et encadrée par les textes, de témoignages écrits.
Ces témoignages ont été validés ou rejetés, selon les cas, par les organismes concernés : URSSAF, MSA, CARSAT (anciennes CRAM) et CNAV et les retraites liquidées en conséquences.
Or, plusieurs années après, le gouvernement a mis en place des conditions beaucoup plus drastiques, en particulier pour les témoignages, afin de limiter l’accès aux départs anticipés. Il a également créé des organismes nouveaux de contrôles des « fraudes » et mis en œuvre des procédures de réexamen des dossiers déjà liquidés.
Ainsi, les mêmes organismes qui ont validé en leur temps les témoignages produits par certains retraités décident, après plusieurs années de versement des pensions, que les témoignages ne sont, en définitive, pas recevables. Les caisses annulent les liquidations, suspendent les pensions de ceux qui n’ont pas encore atteint l’âge d’ouverture du droit à retraite et les recalculent à la baisse puisque plusieurs trimestres se trouvent écartés.
Par voie conséquence, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’euros (jusqu’à plus de 100 000 € dans certains cas) qui sont réclamés à chaque retraité concerné, avec la perspective d’avoir une retraite rectifiée à la baisse jusqu’à –20 % pour certains.
Les administrateurs CGT de la CNAV sont intervenus, tant auprès du directeur de la CNAV qu’auprès du conseil d’administration pour soulever aussi bien les questions de principe que les conditions « sociales » du traitement de ces affaires. Il apparaissait en effet que dans leur précipitation à traquer la fraude, les organismes de Sécurité sociale ne cherchaient pas à trier entre les vrais fraudeurs et les salariés ayant utilisé de bonne foi et de manière légale une procédure à leur disposition.
La CNAV, avec son directeur et sous une forte pression de la tutelle ministérielle, s’est estimée liée par les dispositions législatives, réglementaires et judiciaires. « Du moment qu’il y a fraude avérée –et parfois reconnue- il y a ipso facto annulation du droit à retraite, obligation de restitution de l’indu et reconstitution de la liquidation sur des bases corrigées ».
Le Conseil d’Administration a été peu réceptif à nos interventions (nous avons pourtant produit un dossier très fouillé) y compris les administrateurs des autres syndicats de salariés.
Le 12 septembre dernier, une délégation de la CGT conduite par Bernard THIBAULT a présenté ce dossier au ministre, X. BERTRAND, qui a repris la thèse de la chasse aux fraudeurs, consentant seulement à examiner les dossiers dont la CGT serait saisie. (Voir le compte-rendu diffusé par la « lettre du jour » du 14 septembre).
Un événement nouveau important : la Justice donne raison aux salariés
Poussés dans leurs derniers retranchements, des salariés concernés, dont des camarades de la CGT, n’ont eu d’autre choix que de saisir la justice. Nous venons de recevoir copie d’un premier jugement, obtenu par des camarades du Morbihan qui viennent d’avoir gain de cause devant le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) de Vannes (jugement du 12 septembre 2001).
Le jugement du TASS est très important, en effet il donne satisfaction au requérant et décide que la CARSAT (donc la CNAV) doit :
1°/ reverser la pension abusivement suspendue et,
2°/ la rétablir au niveau calculé en 2006.
Trois éléments essentiels dans la décision
1° - Le Tribunal rappelle « le principe d’intangibilité des pensions de retraite liquidées ». Autrement dit, il faut des raisons particulièrement graves et incontestables pour revenir sur une pension.
2° - Etant rappelé que les conditions des témoignages ont été durcies en 2008 par une nouvelle réglementation, le Tribunal déclare que seules les conditions du moment (celles de 2006 dans ce dossier) peuvent être réclamées au salarié et que les conditions ultérieures, plus sévères, ne lui sont pas opposables.
3° - Le Tribunal décide que la caisse n’apporte pas la preuve que le salarié a « délibérément fourni de fausses attestations dans le but de pouvoir procéder au rachat ». Ainsi, l’appréciation des enquêteurs de la Sécurité sociale selon laquelle les témoignages apportés ne sont pas probants à leurs yeux est tout à fait insuffisante pour remettre en cause une liquidation. (Rappelons qu’en matière de fraude il faut apporter la preuve qu’il y a une intention bien nette de frauder et démontrer les manœuvres pour y parvenir).
Cette décision devrait nous permettre de combattre la propension gouvernementale (et de la CNAV) à ne faire aucune différence entre les vrais fraudeurs et les salariés de bonne foi. Seules les personnes vraiment convaincues de fraude, preuve irréfutable à l’appui, peuvent faire l’objet d’un réexamen de leur situation.
* * *
La CGT va saisir rapidement le directeur de la CNAV pour lui demander de donner aux CARSAT la consigne de ne pas interjeter appel, faute de quoi nous ne pourrons que considérer qu’il y a acharnement en direction de retraités de bonne foi, sans compter, pour les retraités concernés, la prolongation des dégâts financiers qu’impliquerait le délai supplémentaire dû à l’appel.
Il lui sera ensuite demandé de revenir sur les décisions de suspension et de révision des pensions des retraités pour lesquels une fraude incontestable n’a pas été établie.
Une démarche dans le même sens sera faite au niveau du ministre, suite à la rencontre du 12 septembre.
Nous demandons aux organisations CGT concernées et aux administrateurs et administratrices URSSAF, MSA et CARSAT de prendre contact, en tant que de besoin, avec le secteur retraite confédéral (01 48 18 84 73) ou bien : jl.butour@cgt.fr; m.isabey@cgt.fr; g.rodriguez@cgt.fr