11 Avril 2013
Le Sénat vient à la quasi unanimité de voter une proposition de loi portée par l'UMP qui
conduit à la confiscation des 2/3 des allocations familiales pour les familles dont les enfants
sont placés auprès des services de l’Aide sociale à l’enfance et de la totalité de la prime de
rentrée scolaire. Ces allocations seraient alors versées aux départements.
Il s’agit d’une rupture politique très importante qui marque une méconnaissance grave du
droit d'une part et de la sociologie des familles concernées d'autre part. L’idée d’une telle
procédure avait été abandonnée lors du projet dans la loi de prévention de la délinquance en
2005.
Il est déjà possible aux magistrats de suspendre ou de retirer les allocations familiales, ce qui
se fait dans les cas où cette pression fait sens, ou encore de mettre une Tutelle aux Prestations
Sociales. Mais, la plupart du temps, ne sont concernées que des familles pauvres ou très
pauvres, souvent monoparentales. Rappelons que les parents dont les enfants sont placés
restent détenteurs de l'autorité parentale sauf exception. De ce fait, ils sont tenus de subvenir
aux besoins d'entretien et d'éducation de leur enfant même en cas de placement à l'Aide Sociale
à l'Enfance (article L28-1 du code de l'action sociale et des familles).
Le maintien des allocations familiales est reconnu comme un moyen de permettre à ces
familles d'accueillir dans des conditions décentes les enfants pendant les week-ends et les
vacances. C'est aussi le peu d'argent qui permet de résorber les dettes ou de reconstruire un
budget favorisant le retour des enfants.
Cette analyse est partagée par les professionnels du travail social et quantité d'associations
oeuvrant dans le secteur. C'est aussi un débat sur le coût relatif de l'intervention dans ces
familles. Un placement "coûte" autour de 50 euros par jour en famille d'accueil, 200 euros
/jour en foyer traditionnel et jusqu'à 400 euros en établissement spécialisé... Limiter le temps
de placement, voire l'éviter présente donc des intérêts sociaux et humains évidents mais aussi
économiques.
Les organisations signataires pensent que face à l’augmentation des inégalités et à
l’aggravation de la crise, c’est de protection dont ont besoin les familles en difficulté, pas de
confiscation. De plus, on ne peut se cacher que l'augmentation du nombre de placements est
directement liée à l'aggravation de la crise. Les familles à la rue voient leurs enfants placés :
leur retirer les allocations ne favorisera pas l'accès au logement... C'est l'impasse de
l'application de la loi DALO qui est à pointer, pas les familles expulsées.
Voter un tel texte, c'est contribuer à fragiliser encore des familles pauvres. C'est
idéologiquement s'inscrire dans la logique des chômeurs-fraudeurs, des "assistés sociaux",
faisant passer les victimes de la crise au rang de suspects.
Nous avions fait reculer les gouvernements précédents quand ils voulaient la suppression
automatique des allocations familiales aux parents des enfants en absentéisme scolaire.
Le parlement ne doit pas s'inscrire pas dans cette perspective et doit rejeter ce texte
foncièrement injuste.
Paris, le 4 avril 2013